Grâce à l’ionisation, les fruits marocains retrouveraient le chemin du marché américain

Une technique testée et validée dans la station de Boukhalef à Tanger

Un véritable bunker dédié aussi à l’amélioration des variétés de fruits et légumes

Les jours de la mouche méditerranéenne (Ceratitis capitata), le pire ennemi des agrumes marocains, sont comptés. Ce ravageur est responsable de pertes directes, à cause des dommages sur les fruits et indirectes par les restrictions de quarantaine imposées par les pays importateurs. A Tanger, au Centre régional de la recherche agronomique, dépendant de l’Institut national de la recherche agronomique, l’arme fatale est en train d’être mise au point. C’est là qu’est installée la station d’ionisation de Boukhalef (CRRA Tanger), créée en 1995 grâce à l’assistance technique de l’Agence internationale pour l’énergie atomique et du Commissariat à l’énergie atomique français.

Il s’agit d’une station pilote et unique au Maroc qui a pour vocation de réaliser des recherches dans les domaines de la conservation des aliments par ionisation et de l’amélioration des plantes par induction des mutations selon Mouad Chentouf, chef du centre.
Le cœur de la station est une salle d’ionisation où est située la source d’ionisation. C’est là que les recherches sur les méthodes et les dosages de radiation sont actuellement en cours. Son accès est sanctionné par une série de mesures de sécurité dont un portail métallique blindé, des caméras et des détecteurs d’empreinte dignes d’un véritable film d’action.

Dans la chambre d’ionisation, une source de cobalt 60 capable d’irradier des doses mortelles de rayons gamma en moins de 10 secondes. C’est dans ces cages que les échantillons sont posés autour de la source, afin d’obtenir une irradiation uniforme.

«L’objectif est de protéger la source radioactive et la maintenir en sécurité», explique Mohamed Mouhib, responsable de la station d’ionisation. La source est protégée pour éviter de tomber entre de mauvaises mains, mais aussi pour éviter que des intrus y accèdent sans connaître son danger. En effet, en cas d’ionisation directe, tout intrus pourrait mourir dans les dix secondes. Pour le traitement des mâles de la mouche méditerranéenne, un dosage spécifique est calculé et irradié pour arriver à stériliser l’insecte sans le tuer. Et c’est le rôle de la station et de ses chercheurs de déterminer les dosages nécessaires.

La station travaille aussi dans le domaine de la recherche en matière de conservation des aliments. L’ionisation permet aussi de permettre une plus longue durée de conservation de produits comme les oignons en évitant qu’ils germinent, par exemple. Cerise sur le gâteau, aucun changement de goût ni d’apparence n’est induit. L’irradiation permet aussi de protéger les cargaisons de fruits comme les agrumes. Certains pays comme les USA imposent des dispositions draconiennes comme l’obligation de les maintenir en chambre froide pendant plusieurs jours avant export, afin de s’assurer de l’élimination des spécimens de mouche qui pourraient traîner sur les fruits.

L’ionisation permet de les traiter en quelques heures sans aucun effet collatéral, note Mouhib. L’expérience marocaine a d’ailleurs fait des émules car plusieurs pays africains ont demandé l’aide du Maroc pour la mise en place d’installations similaires, des opérations qui seront menées par les responsables de l’Inra de Tanger.

Un ennemi dangereux
La mouche méditerranéenne est un réel danger pour les exportations marocaines d’agrumes. Tous les clients des clémentines et oranges marocaines, la Russie en tête, procèdent à des inspections sur place pour certifier l’absence de cette plaie des cageots de fruits.
Les dommages causés par la cératite sont des piqûres de pontes et des galeries dans les fruits engendrées par des femelles et des larves. Ces piqûres constituent une voie de pénétration des champignons et bactéries qui sont responsables de la décomposition et la chute prématurée des fruits.

Par: Ali ABJIOU

Source: L'Economise, Edition N°:4964 Le 20/02/2017