Le procédé de culture prend forme et est à encourager

Une technique qui permet de préserver les sols de l’érosion

Un système de gestion qui vise la pérennité de la production agricole, selon les agronomes

N’est-il pas temps de se rendre à l’évidence et de cesser de se voiler la face ? Le Maroc est bel et bien un pays semi-aride. L’agriculture y demeure tributaire du bon vouloir du ciel et des aléas climatiques.

C’est une agriculture pluviale qui fait aussi face à une sobriété et un manque de technologie et d’innovation qui pourraient assurer un retour sur investissement, voire simplement sécuriser un revenu de subsistance pour les agriculteurs. Les risques climatiques dépassent, aujourd’hui, le  progrès  enregistré par  la  révolution verte basée sur l’intensification et l’amélioration génétique.

Toutefois, l’émergence d’une approche de gestion de l’agro-écosystème privilégiant l’efficience de l’usage des ressources donne une lueur d’espoir pour assurer encore une meilleure productivité lorsqu’on prend soin de ces ressources naturelles. Certes, si pleuvoir reste synonyme d’une bonne production agricole, il faut aussi veiller à l’éclosion d’une agriculture performante.

Les agronomes de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA-Settat) reconnaissent que les années de recherche et développement investies dans ce domaine n’arrivent toujours pas aux résultats attendus. Et pour cause, le semis direct, solution pour pallier le manque de pluies, tarde à investir les mentalités. D’autant plus qu’il n’y a presque pas de vente de semoirs de semis direct ni localement fabriqués et assemblés ou importés.

Dans d’autres pays qui ont, certes, une bonne longueur d’avance dans ce domaine, différentes stratégies ont été mises en place. Stratégies qui ont été soutenues par les agriculteurs eux-mêmes notamment en adoptant le procédé du semis direct.

Au Maroc, une grande expérience a été entamée depuis quelques années dans la Chaouia par le Centre de recherches de l’INRA-Settat. Et ses résultats sont aujourd’hui jugés probants et plus que satisfaisants. D’ailleurs, elle a été étendue à d’autres régions du Royaume, notamment dans les Doukkala, à Guerrouane et à Oued Erromane, non loin de Meknès.

C’est connu, l’agriculture conventionnelle repose sur les travaux du sol et l’intensité du labour a toujours été synonyme de la performance des agriculteurs. Aujourd’hui, ce mode d’agriculture est remis en cause.

En effet, les recherches ont montré que les labours contribuent à la dégradation et la perte des sols par érosion, augmentent le gaz à effet de serre dans l’atmosphère (CO2) et influent sur la production par l’inefficience dans l’utilisation de l’eau et l’inadaptation climatique. C’est pour cette raison, qu’au départ, à l’échelle internationale, le semis direct a été développé pour la protection des ressources naturelles (sols et eaux) et principalement pour la lutte contre l’érosion.

Le semis direct s’est donc imposé comme un nouveau mode d’exploitation des ressources naturelles. Les chercheurs et agronomes y croient dur comme fer: c’est la solution pour surmonter les défis auxquels fait face l’agriculture marocaine, en particulier ceux d’ordre naturel liés aux sécheresses, changements climatiques et dégradation des ressources.

En effet, le semis direct consiste en l’installation des cultures sans aucune perturbation de sol préalable à l’opération de semis. Ainsi, cette installation est assurée par un semoir spécial en un seul passage. De ce fait, la fertilisation de fond et l’emplacement des semences sont réalisés avec une perturbation minimale du sol.

En outre, le semis direct est basé sur une amélioration des fonctions naturelles des écosystèmes, et donc une intensification de l’activité biologique du sol. Les modes d’application et les quantités des intrants chimiques, des engrais minéraux et organiques sont raisonnés de manière à ne pas perturber l’activité biologique dans le sol et des écosystèmes.

L’objectif ultime est d’assurer une production durable capable de subvenir aux besoins alimentaires d’une population en forte croissance et améliorer son niveau de vie.

Les principaux aboutissements de ce système de production permettent, sur le plan agronomique,  une  amélioration  de  l’efficience  de  l’utilisation  de  l’eau  et  des fertilisants, une amélioration de la qualité des sols et la simplification des façons agricoles par la réduction du nombre de passages sur les parcelles. En plus d’un meilleur calage des dates d’intervention pour les semis, les traitements phytosanitaires et les épandages.

Sur le plan économique, le semis direct a plus qu’un avantage. En effet, il permet une réduction des coûts de semences, des engrais et de la main d’œuvre. Et aussi un moindre recours à l’utilisation du matériel et des équipements agricoles. D’où une importante économie d’énergie et de temps.

En outre, le mode de semis direct agit positivement sur l’environnement. A commencer par la réduction des émissions des gaz à effet de serre des sols et de l’usage des carburants, la réduction des érosions éoliennes et hydriques, celle de la dégradation de la qualité des sols, des eaux de surfaces et souterraines et de la dégradation de la qualité de l’air.

Pour les agronomes, le semis direct ne se résume pas au semis sans labour, c’est plutôt un système de gestion des sols et des cultures qui vise la pérennité de la production agricole.

Rendement et économie

Lancée dans la zone des Doukkala en octobre 2016, l’opération «semis direct» fait toujours l’objet d’une attention particulière. C’est ainsi que dans le cadre du suivi de cette opération, l’Institut national de la recherche agronomique de Settat (INRA) et l’Office régional de la mise en valeur agricole des Doukkala (ORMVAD) organisent régulièrement des journées d’information et d’évaluation avec les agriculteurs qui ont opté pour ce mode de culture. Grâce à la technologie du semis direct le rendement a dépassé  les  32  quintaux  à  l’hectare,  alors  qu’en  semis  conventionnel,  les rendements ne vont guère au-delà des 25 quintaux dans une année marquée par de bonnes précipitations. En termes d’économie pécuniaire, l’agriculteur arrive à réduire ses coûts de production de 900 DH. Cela grâce à la réduction de la quantité du semis qui dépasse habituellement les 2 quintaux de semences sélectionnées à l’hectare en semis conventionnel. En semis direct, cette quantité est ramenée à 120 kg/ha en plus des économies engendrées par la baisse des budgets engagés dans les travaux du sol.

Quelques avantages

Le semis direct est une simplification poussée du travail du sol dont l’idée maîtresse consiste à implanter une culture sans travail préalable du sol, tout en effectuant une ouverture dans le sol pour déposer la semence à la profondeur souhaitée. Ainsi, le sol n’est pas travaillé, il est maintenu couvert en permanence par une biomasse sèche de résidus végétaux. La technique a fait ses preuves dans de nombreux pays du monde dont le climat semi- aride ou aride et la nature des sols présentent les mêmes caractéristiques et des similitudes avec ceux du Maroc. Le semis direct présente ainsi de nombreux avantages : Protection du sol contre l’érosion par l’eau et par le vent grâce à la couverture de résidus.

          ·     Amélioration significative de la structure et de l’activité biologique du sol.

·     Diminution de la compaction grâce à la circulation réduite et à une meilleure capacité portante des sols.

·     Réduction des coûts d’achat, d’opération et d’entretien de la machinerie.

·      Demande réduite en énergie.

·     Au Maroc, un semoir pour le semis direct coûte près de 300.000 DH et il est subventionné par l’Etat à hauteur de 100.000 DH.

 

Jamal Eddine HERRADI

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